Lu dans la presse

109 millions de repas

Excellente et alarmante interview d’Olivier Berthe, le président des Restos du Cœur, dans le dernier polka. L’article signé par Elisa Mignot est accompagné de quelques photos d’Alban Denoyel qui travaille depuis deux ans sur ceux qui vivent dans la rue et trouvent un fragile refuge sur les bancs publics. Les chiffres font peur. En 2011, les Restos du Cœur ont servi 109 millions de repas. Ce chiffre était de 8,5 millions en 1985, l’année de la création de l’association… Autre information édifiante : « aujourd’hui, les Français vivant sous le seuil de pauvreté sont plus nombreux qu’après la Seconde Guerre mondiale ». Sociologiquement, Les Restos du Cœur ont aussi évolué. Fréquentés à leurs débuts principalement par les chômeurs et les marginaux, ils voient arriver aujourd’hui de multiples profils : des jeunes de moins de 25 ans aux personnes âgées de plus de 60 ans, des mères célibataires, des travailleurs pauvres, des agriculteurs et même des chefs de petites entreprises qui font les frais de la crise. Et Olivier Berthe de souligner que depuis 27 ans, il n’a vu aucun changement notoire de la part des différents gouvernements qui se sont succédé. De droite ou de gauche, la pauvreté n’est pas un sujet qui « fait recette » et les politiques sociales développées ne sont que des « mesurettes » qui cachent (mal) l’impéritie de nos gouvernants. A moins de 90 jours de l’élection présidentielle, Les Restos du Cœur ont décidé d’apostropher les candidats par un courrier portant sur différents thèmes comme la politique du logement, « principe d’un accueil humanitaire inconditionnel » et la nécessité de pérenniser les politiques publiques pour plus d’efficacité. Gageons qu’ils seront entendus. Cette interview n’est pas sans rappeler le discours prononcé par Victor Hugo en 1849 devant l’Assemblée nationale législative. Intitulé « Détruire la misère », ce discours est une harangue virulente appelant à supprimer la misère, tout en posant la question de l’attitude de chacun, à la fois  « complice et solidaire », face à cette question.

Je vous en livre un extrait ci-dessous…

« Détruire la misère

Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on ne peut supprimer la souffrance en ce monde ; la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère.

Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli.

La misère, messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir jusqu’où elle est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ?

Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques, où des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtements, que de monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange du coin des bornes, espèces de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.

Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon !

Et bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire, et que de tels faits ne sont pas seulement des torts envers l’homme, que ce sont des crimes envers Dieu ! »

Extrait du discours de Victor Hugo à l’Assemblée nationale législative, le 9 juillet 1849.

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