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1er mai : quand les États-Unis suscitent la tradition

Crédit photo : JP Grane / Fotolia.com

Avec ses jours fériés et les possibilités de week-ends prolongés qu’il offre, le mois de mai est souvent très apprécié en France. Son premier jour est d’ailleurs marqué par des manifestations populaires, faisant descendre dans la rue, salariés syndiqués et non syndiqués. Mais que célèbre-t-il exactement et d’où vient cette tradition ?

Chicago, 3 mai 1886, devant l’usine de machines agricoles Mc Cormick. Alors que beaucoup d’entreprises ont accédé depuis deux jours à la principale revendication portée par les syndicats d’ouvriers depuis deux ans, – obtenir la limitation de la journée de travail à 8 heures -, une manifestation d’ouvriers grévistes tourne au drame. Les autorités décomptent trois décès parmi les manifestants. Dès lors, les esprits s’échauffent, la colère sourd parmi les 340 000 grévistes qui, partout aux États-Unis, n’ont pas encore pu obtenir la journée de 8 heures. Dès le lendemain, une marche de protestation est organisée dans les rues de Chicago, où les buildings, à cette époque, sortent de terre comme les fleurs au printemps. Direction place de Haymarket.

État de siège

Alors que le rassemblement, relativement pacifiste malgré les appels aux armes de mouvements anarchistes, se disperse dans la soirée, une bombe explose au milieu des agents de police. C’est la panique. La police réplique et ouvre le feu sur des manifestants qui s’éparpillent en tout sens, cherchant un endroit où se réfugier. Le quartier du marché au foin est en état de siège et bouclé par d’autres forces de police venues en renfort. Bilan : au moins six morts parmi les policiers, un nombre incalculable de blessés. Quant aux décès parmi les manifestants, aucun chiffre fiable n’a pu être établi. Attentat anarchiste ou provocation policière ? Les historiens américains discutent encore ce point. Une chose est sûre : la répression est violente. Huit dirigeants de l’International Working people’s association, la branche américaine de l’Internationale anarchiste qui compte, à l’époque, pas moins de 26 groupes qui sont autant de centres d’agitation politique et culturelle, sont identifiés comme faisant partie des fauteurs de troubles.

« Le temps viendra… »

Arrêtés, ils sont inculpés d’assassinat. La sentence tombe le 20 août 1886 : ce sera la pendaison pour cinq d’entre eux dont l’un se suicida dans sa cellule peu de temps avant l’exécution le 11 novembre 1887, dans la cour de la prison. Ce jour-là, Auguste Spies, 32 ans, Hessois d’origine qui dirigeait un quotidien libertaire à Chicago, l’Arbeiter Zeitung, s’écrie sous sa cagoule blanche de condamné : « Le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ». Un mythe était né faisant des États-Unis la terre d’origine du 1er mai et amènera les Européens à instaurer, quelques années plus tard, la fête du travail. En France, c’est le 1er mai 1890 qu’a lieu la première manifestation pour réclamer la journée de 8 heures. Les manifestants portent, ce jour-là, à leur boutonnière un triangle rouge, bientôt remplacé par une fleur d’églantine puis par du muguet, symbolisant la division de la journée en trois parties : travail, sommeil, loisirs. Ce jour ne deviendra un jour chômé et payé qu’en 1941, sous l’Occupation. Aujourd’hui, le 1er mai ou « May day » aux États-Unis ne marque plus que la fête du printemps, la fête du travail chômée étant célébrée le premier lundi de septembre depuis 1894.

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