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Indignation de Philip Roth

Couv Indignation de Philip RothC’est une fois de plus dans l’Amérique des années 50 que nous plonge Philip Roth dans Indignation, son vingt-neuvième roman. Si le titre n’avait pas déjà été pris, sans doute aurait-on pu l’intituler Mémoires d’outre-tombe. En effet, le lecteur le comprend assez vite, c’est de l’au-delà que le narrateur, Marcus Messner, jeune homme de 19 ans, décédé sur le front de la guerre de Corée, conte ce qu’il a vécu durant l’année 1951. Juste avant de partir servir la cause américaine.

En 1951, Marcus Messner, fils unique d’une famille juive vivant dans le New Jersey, quitte ses parents pour rentrer à l’Université. Il l’a choisie la plus éloignée possible de son domicile pour échapper à l’emprise de son père qui ne cesse de s’inquiéter pour lui, à tort, et le harcèle de questions. C’est donc au fin fond de l’Ohio, dans le très catholique Winesburg College aux règles et au code de conduite très établis que le jeune homme, qui ne connaît rien de la vie, s’établit. Un parcours initiatique l’attend, tant sur le plan intellectuel que sexuel.

J’ai beaucoup aimé ce livre. Philip Roth y fait un portrait sans concession de l’Amérique puritaine des années 50, une Amérique sclérosante, enfermée dans ses dogmes, sûre d’elle-même. C’est ce qui constitue une partie de l’indignation de Marcus Messner qui se révoltera contre l’ordre établi.

Extrait, page 50 : « Ce qui eut lieu quand je sortis avec elle dépassa tout ce que j’aurais pu imaginer dans les toilettes de la bibliothèque, si j’avais eu l’audace d’aller me réfugier dans l’une des cabines pour me soulager provisoirement de mon désir. Les règles auxquelles étaient soumises les étudiantes de Winesburg étaient de celles que mon père aurait bien aimé qu’on m’impose à moi. Toutes les étudiantes, y compris celles de quatrième année, devaient signer le registre des sorties et des entrées quand elles sortaient le soir, même pour aller à la bibliothèque. Elles n’avaient pas le droit de rester dehors après neuf heures du soir les jours de semaine, ou après minuit le vendredi et le samedi. Elles n’avaient, bien sûr, pas le droit d’entrer dans les résidences des garçons ni dans les fraternités, sauf lors de soirées organisées sous la responsabilité d’adultes, et les garçons n’avaient pas non plus le droit de pénétrer dans les résidences des filles, sauf pour attendre dans le petit salon, sur un canapé tapissé de chintz à fleurs, quand ils venaient chercher la  fille avec laquelle ils avaient rendez-vous, que la surveillante de service appelait au téléphone intérieur. La surveillante connaissait le nom du garçon grâce à sa carte d’étudiant qu’il devait lui montrer. Etant donné qu’à part les étudiants de quatrième année personne n’était autorisé à avoir une voiture – et dans une université qui accueillait principalement des étudiants de la petite bourgeoisie, seuls quelques-uns des étudiants de quatrième année avaient des familles qui pouvaient leur payer une voiture ou son entretien -, il n’y avait pratiquement pas d’endroit où un couple d’étudiants pouvaient s’isoler ». Philip Roth.

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