Les critiquesLes extraits

Je pars demain

Je pars demain de Eric Fottorino

En 2001, à 40 ans tout juste passés, Eric Fottorino, à l’époque directeur du journal Le Monde, se lance un défi. Courir le Grand Prix cycliste du Midi Libre et raconter ses sensations depuis l’intérieur du peloton en rédigeant un papier à paraître dans l’édition du soir. Supprimée en 2003, faute de moyens, la course du Midi Libre, épreuve de moyenne montagne qui en a fait craquer plus d’un, permettait aux coureurs de se préparer en douceur au Tour de France. C’est cet entrainement, son entrainement, auquel il s’est astreint des mois durant que Eric Fottorino narre dans Je pars demain. Un entrainement exigeant, sous la pluie et dans le froid, bien plus souvent que sous le soleil. Au fil des pages, si l’ancien directeur du journal Le Monde renoue avec ses rêves d’enfants et sa passion de la bicyclette, il plonge aussi son lecteur dans une merveilleuse aventure : celle du dépassement de soi qui s’accompagne immanquablement de sentiments mêlés et contradictoires : la peur de ne pas y arriver, l’espoir fou de franchir la ligne d’arrivée en même temps que les autres coureurs. Il raconte aussi ses heures passées sur la selle de son vélo, les maux de dos et de nuque, les cuisses qui brûlent, les muscles qui se tétanisent, le souffle court dans une côte un peu trop raide…

J’ai toujours aimé le vélo. Sans pour autant aimer regarder les courses cyclistes sur petit écran. Pas même le Tour de France. Après la lecture de Je pars demain, j’ai très envie d’enfourcher mon vélo et de partir pour quelques kilomètres, nez au vent, en savourant les paysages qui se présenteraient ! Par son écriture incisive, sincère et spontanée, Eric Fottorino parvient sans mal à nous emmener dans sa roue. N’est-ce pas là le propre d’un écrivain de talent ?

Extrait, page 223 : « Un peu de neige, le froid au rendez-vous. Tant pis, je pars rouler sur le circuit de Vincennes. Après un échauffement au milieu des voitures, je me sens plutôt en jambes. Le vent aussi est de la partie. Je roule tête baissée, les mains en bas du guidon, les oreilles remplies d’un écho de coquillage, comme la mer imaginaire que j’écoutais enfant. Des mots ricochent dans ma tête, je suis sensible à cette bande-son qui défile pendant que je pédale, une musique décousue où se superposent les craquements du vélo, des bruits de tronçonneuse dans le bois, la sirène lointaine d’une ambulance, la symphonie du « vélomane ». C’est ce mot « vélomane », qui ricoche dans ma tête, avec des accents de mélomane. Tous ces sons agrégés finissent par composer une partition qui vous habite longtemps après avoir roulé. On pourrait raconter une course cycliste rien qu’avec des bruits, des cris, la caresse du vent sur les joues ou au contraire sa furie quand il traverse les parties vives de la bicyclette, les bribes de conversations récoltées au milieu des coureurs ou sur le bord des fossés, les airs de musique qui s’échappent des autoradios, des fenêtres entrouvertes, les coups de sifflet, l’accélération des autos et le souffle quand elles nous dépassent, les mini-tempêtes qui nous clouent sur place quand on croise un semi-remorque, le piaillement des oiseaux, ici des corbeaux tout noirs, là des mouettes toutes blanches, et encore des pies qui ont volé l’obscur des corbeaux et le clair des mouettes. Un chaos sonore qui finit par ressembler à la vie. » Eric Fottorino.

Articles similaires

La photo de la semaineLes extraits

Demain

Je reproduis ci-dessous un texte d’Anne-Marie Royer-Pantin, extrait de son livre L’art des instants heureux. Un texte d’une grande douceur, à la fois poétique et empli de promesses. « Demain sera…
Lire la suite