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Le marcheur de Fès d’Éric Fottorino

Couverture Le Marcheur de Fès d'Eric FottorinoDans le Fès de 2013, Éric Fottorino marche dans les pas de son père naturel. Ce dernier aurait dû être du voyage pour lui montrer l’endroit où il a grandi, le mellah, le quartier juif, entrelacements de ruelles d’où s’échappent des senteurs d’épices, des appels à la prière, l’odeur âcre des peaux de bêtes qu’on nettoie de leur chair pour, plus tard, en faire du cuir. Mais Maurice Maman, autrefois Moshé-Moïse le Fassi, est rongé par le cancer. Il correspond donc par mail, depuis la France, avec Éric Fottorino, lui indiquant qui aller voir sur place, répondant aux questions que son fils, à la recherche de ses origines, lui pose. Un beau récit qui dit tout l’amour que porte l’auteur à son père, ce « père juif » repoussé par sa belle-famille catholique de Bordeaux qui l’empêcha d’élever son fils.

Extrait, page 13 : « Le marcheur de Fès, ce devait être toi. Ce sera moi. Je vais marcher plus vite, moins profond. Tu vas me guider à distance. Je t’enverrais de petits films, des photos. À mon tour de te chuchoter des histoires pour t’en rappeler d’autres. Ce sera sans doute inutile. La Fès qui vit dans ton souvenir n’existe plus. C’est étrange d’aller seul dans la ville où tu as fait tes premiers pas, maintenant que ton corps te lâche.

Je vais marcher pour toi, par procuration. Traverser le vieux mellah où Moshe-Moïse le Fassi est devenu Maurice le Français. Comme tous les tiens. C’est l’itinéraire d’une envie de France. Moins d’un kilomètre sépare le mellah de la ville nouvelle. Une marche vers l’Occident. Le contraire d’une marche forcée ou d’une longue marche. Une marche de rien du tout. Un petit kilomètre pour une vie rêvée puis réinventée entre deux mondes qui s’éloignaient l’un de l’autre, le Maroc et la France, les Juifs et les Musulmans. Déjà je sens la présence de ton père Mardochée, de ton grand-père Yahia le Berbère, qui épousa jadis Zohra Cohen, la nièce du grand rabbin Serfati de Fès. Je sais qu’il n’existe plus un seul juif au mellah, seulement des cicatrices à l’embrasure des portes, là où étaient jadis fixés les mezouza – ou plutôt les mezouzot, au pluriel – en signe de prière et de paix. On les retrouve entassées en vrac sur les tables poussiéreuses du musée attenant au cimetière, aux portes du mellah. » Éric Fottorino.

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