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Le temps, le temps !

Crédit photo : Naira - Fotolia.com
Crédit photo : Naira – Fotolia.com

Avez-vous remarqué que nous n’avons plus le temps, que nous courons en permanence après le temps comme s’il était un bien matériel que nous pourrions commander (en ligne ?), qui s’épuiserait et que nous commanderions à nouveau.

Je publie ci-dessous une partie de la chronique de Bruno Frappat du journal La Croix daté du 15 décembre que j’ai trouvée fort pertinente. Et vous qu’allez-vous faire de votre temps dans les cinq jours à venir ?

« Gérer son temps : l’expression signale un impératif catégorique de l’époque. En fait, littéralement, elle est absurde. Comme si le temps était un compte en banque ! C’est le temps qui nous gère, et non l’inverse. Nous avons, par rapport à la durée potentielle de nos journées, une égalité absolue qui ne dépend pas de nous et, sauf accident de l’existence, une heure dure une heure pour chaque vivant. On dirait pourtant que les humains s’évertuent à cette « gestion » de manière frénétique, comme s’il s’agissait de gagner quelque chose. « Gagner du temps », par exemple, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Et « perdre son temps » ? Il fait ce qu’il veut, le temps, et c’est seulement dans la relativité de la manière dont nous le ressentons qu’il y a différence entre les humains.

Le « sur occupé » du haut de l’échelle, qui passe ses jours à courir, être en retard, à faire le débordé pour se donner l’illusion de vivre et d’être utile, que recherche-t-il dans cette fuite ? Que gagne-t-il à dépenser ses heures comme si l’urgence et l’importance étaient équivalentes? On dirait qu’il a les poches percées, gaspillant ses heures. Il fait dix choses quand les autres en font une. Il en est fier, le bougre ! En est-il plus humain, plus fort à tournoyer ainsi ? Le stress qui parfois l’atteint, il le vit alors comme une peine infamante.

Le SDF qui se tape dans les mains pour les réchauffer, lui, passe ses journées (qui sont les mêmes que celles des puissants) à « gérer » l’attente. À regarder filer les jours, à escompter les petites aides que quelques passants lui donneront, à tenter de croiser des regards qui se détournent. À surveiller ses hardes, son duvet, ses paletots, sa carriole, pour que nul ne les lui chipe. Le temps, pour lui, passe très lentement. Il le « gère » sans espoir de gain. Parfois, il blague avec des copains de rencontre ou de bonnes âmes qui s’arrêtent. Il n’a plus de projet. Il ne se demande même pas s’il passera l’hiver. Cependant, il croit au printemps. Un peu. » Bruno Frappat.

 

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