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Le Turquetto de Metin Arditi

Couv Le Turquetto de Metin Arditi

Voilà un livre qui vous garantira un dépaysement total !

L’histoire commence dans les rues sales et étroites de Constantinople en 1531. On y découvre Elie Soriano, jeune juif, orphelin de mère et bientôt de père, qui n’a d’autres souhaits que de dessiner. Il passe ses journées à scruter ce qui l’entoure pour le restituer ensuite, au fusain, dans un trait à la fois précis et rapide. On retrouvera ensuite Elie à Venise en 1574. Dans cette ville vouée à la débauche, où Le Grand Canal exhale ses odeurs nauséabondes, Elie est devenu Le Turquetto, le petit Turc. Le voilà peintre des plus grands après avoir appris son art auprès de son maître Le Titien. Mais dans cette Venise dirigée par l’Eglise catholique toute puissante, qui a fait des Juifs la cause de tous ses malheurs, un incident, provoqué par Le Turquetto lui-même, obligera ce dernier à rentrer à Constantinople après trente-cinq ans d’exil. Il aura juste le temps de peindre un dernier tableau qu’il fera livrer au Titien. Un tableau répertorié au Louvre aujourd’hui encore sous le titre L’homme au gant et signé de la main de… Titien.

J’ai dévoré ce livre. Tout sonne juste dans ce roman y compris le fil directeur choisi par Metin Arditi qui justifie son livre : et si le tableau présenté au Louvre était l’œuvre d’un autre que Titien ? En une économie de mots, Metin Arditi parvient magnifiquement bien à nous plonger dans les rues de Constantinople et de Venise aux côtés de ce petit garçon très peu intéressé par la chose religieuse. Seuls comptent le trait, le mouvement, la couleur, les volumes et la douce musique du fusain et du pinceau sur la toile…

Extrait, page 36 : « Djelal lui avait appris les exercices que faisaient les soufis lorsqu’ils se préparaient à la danse, des suites d’inspirations et d’expirations, d’abord très courtes, bouche ouverte, puis lentes et longues, qui renouvelaient l’air des poumons et donnaient au corps toute sa force.

Il lui avait ensuite appris à tailler un roseau. Puis à tracer un long trait droit au calame. Puis à dessiner une volute. Puis à copier. Puis à imaginer de nouvelles façons d’écrire les caractères, en respectant la tradition tout en laissant parler le sens du beau « que chacun a dans son cœur », disait Djelal. Très vite, Elie avait acquis une maîtrise de grand calligraphe, tant pour la précision du trait que pour la sensualité du dessin. Et lorsque Djelal lui donnait des indications, on aurait dit qu’Elie les avait devinées par avance.

Le garçon éprouvait un bien-être immense lorsqu’il se trouvait chez Djelal. La calligraphie l’apaisait. Sa rigueur le rassurait. Il aimait l’effort qu’elle exigeait de lui, la possibilité qu’elle lui offrait de dessiner de façon à la fois précise et pleine de fantaisie. » Metin Arditi.

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