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Magda Goebbels d’Anja Klabunde

Sur la photo de couverture, un homme et une femme bras dessus, bras dessous. Lui, les cheveux coiffés en arrière, la silhouette fluette, porte un costume sombre. Son large sourire exprime un bonheur sincère. Elle, est habillée en noir. Seul un châle en dentelle blanc et des gants de la même couleur égayent sa tenue, également rehaussée par le rose tendre du bouquet qu’elle porte sur son bras droit replié. Elle aussi sourit. Il se dégage un tel bonheur qu’on en oublierait presque les personnages secondaires qui les entourent. A la gauche de l’homme, un jeune garçon blond d’une dizaine d’années dont la chemise ressemble étrangement à celle d’une tenue militaire. Derrière la mariée, des hommes portant pantalon noir et chemise blanche, coiffés d’un béret, levant le bras droit en forme de salut. Derrière les mariés, un homme moustachu, tout de noir vêtu, coiffé d’un chapeau tout aussi noir : Adolf Hitler venant assister au mariage de Magda et Joseph Goebbels. C’est ainsi que j’ai pris contact avec Magda Goebbels et la biographie que lui a consacrée l’historienne et réalisatrice de documentaires, Anja Klabunde. Si la fin est tristement connue – Magda Goebbels donnera la mort à ses six enfants juste avant de se suicider dans le bunker de Hitler dans Berlin en flammes, pilonnée par les Russes -, on connaît moins le parcours de cette femme qui deviendra la première dame du Troisième Reich. J’ai apprécié ce livre, succession de scènes de vie contextualisées, tant pour son aspect historique – l’humiliation de la défaite de 1914 et la montée irrépressible du nazisme savamment orchestrée par Hitler et son ministre de la Propagande Joseph Goebbels – que pour la question posée dans l’avant-propos : comment une femme, belle et intelligente, a-t-elle pu adhérer aux idées du régime nazi, après avoir envisagé un temps de partir fonder avec un jeune sioniste dont elle était amoureuse la future Israël ?

La biographie d’Anja Klabunde ne donne évidemment pas la réponse. Au moins apprend-on que Magda Goebbels, abandonnée par son père et élevée par le second époux de sa mère, de confession juive, a vécu dans l’attente et le désir quasi obsessionnel de s’élever dans la hiérarchie sociale, de mener une vie bourgeoise et d’avoir du pouvoir. La manière dont elle se montre parfaitement incapable de faire preuve d’empathie, tout comme la rupture qu’elle a opérée avec son passé après avoir rencontré Goebbels, est effrayante. Sans doute son profil psychologique aurait-il intéressé Sigmund Freud s’il n’avait dû fuir Vienne pour Londres à la même époque. Tombée éperdument amoureuse de Goebbels en 1931, Magda Goebbels était également fascinée par Hitler qui entretiendra avec elle une relation pour le moins équivoque, s’immisçant dans la vie de la famille Goebbels de manière insistante et allant même jusqu’à régler leurs problèmes de couple.

Extrait, page 179, juste après le mariage de Magda et Joseph Goebbels : « À Berlin, les tensions sont toujours aussi vives. Le mariage de l’agitateur du parti nazi n’a pas échappé à la presse. Les journaux hostiles au national-socialisme font feu de tout bois sur Goebbels, un quotidien titre à la une : « Le petit chef nazi épouse une Juive ! »

Dans ce climat tendu, il est évidemment hors de question pour le nouveau couple de partir en voyage de noces. Magda passe les fêtes de Noël seule. Goebbels rentre souvent tard, après avoir accompagné ses SA dans leurs virées nocturnes. Comme il le lui avait annoncé, Quandt (ndlr : le premier mari de Magda Goebbels) a repris Harald chez lui, mais le jeune garçon vient rendre de fréquentes visites à sa mère, compte tenu de la proximité des deux foyers. Goebbels s’est installé Reichskanzlerplatz et, maintenant que Hitler a augmenté son salaire mensuel de mille marks, l’entretien du luxueux appartement n’est plus un souci. Pour l’entretien du ménage, Magda ne peut compter que sur une somme réduite de moitié par rapport à ce qu’elle recevait auparavant, ce qui, parfois, pose quelques problèmes, car les invités sont nombreux. Hitler, en particulier, y est fréquemment reçu. Il éprouve toujours autant d’affinités pour Magda et finit par transformer son appartement en une espèce de quartier général pour lui-même et ses plus proches collaborateurs. Il y prend d’ailleurs la plus grande partie de ses repas, préparés personnellement par Magda, secondée de sa vieille cuisinière. Le Führer craint qu’on ne veuille l’empoisonner à nouveau, après une prétendue tentative qui aurait avorté. Le fait qu’il soit le seul végétarien oblige Frau Goebbels à prévoir systématiquement deux menus. » Anja Klabunde.

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