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Tiennot de Bernard Clavel

Encore un magnifique livre de Bernard Clavel ! Tiennot, diminutif d’Etienne, vient de perdre son père, Justin Biard. Sa mère n’est déjà plus, tuée par les Allemands durant la seconde Guerre mondiale. Ne lui reste que son île. L’île aux Biard. Un petit bout de terre au bord de la Loue, dans le Jura, qui accueille une unique bâtisse de deux pièces et un appentis pour les lapins, les poules et le mulet avec lequel Tiennot entretient de grandes conversations. Le voilà seul, à 35 ans. Simplet, doté d’une grande force, ce vieux garçon se plaît à penser qu’il pourrait rencontrer une femme. Aussi accepte-t-il la proposition de Flavien, le cafetier du village, lorsqu’il lui propose de lui faire rencontrer Clémence, aux seins et aux formes généreuses.

Extrait, page 542 des Œuvres 3 aux éditions Omnibus : « Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’enterrement du père Biard, et la grosse chaleur tenait toujours. Les forêts semblaient s’être assoupies, baignées d’une vapeur de cendres qui unissait le ciel et la terre. Quelques orages avaient grondé dans les lointains, vers les fins d’après-midi. Certains s’étaient sans doute déchirés aux plus hautes chaines du Jura, car l’eau de la Loue, légèrement troublée, avait monté de quarante centimètres en quelques heures, pour redescendre aussi vite dès le lendemain.

La tranchée de la forge achevée puis rebouchée et soigneusement damée, Tiennot s’était livré à d’autres besognes pour des gens du village. Ce n’était pas l’ouvrage qui lui manquait, avec son arrosage, la cueillette des légumes et les soins à donner aux bêtes. Le dimanche, il était allé renquiller tout l’après-midi, et il avait gagné dix francs sans se fatiguer. Le soir, alors qu’il rangeait les boules et les quilles, le cafetier l’avait pris à part pour lui dire : – nos affaires sont en chemin, mon vieux Tiennot. Ce serait pour cette semaine que ça m’étonnerait pas. Je t’ai trouvé ce qu’il te faut… Tu verras.

Tiennot avait ouvert la bouche pour poser une question, mais le temps que les mots lui arrivent, Flavien avait déjà regagné la salle. Seul dans la cour du café, sous l’ampoule suspendue aux basses branches du tilleul et enveloppée d’un tourbillon de moucherons, Tiennot était resté longtemps figé, pareil à une énorme quille un peu penchée, oubliée sur l’aire de jeu. Puis, il avait regagné son île, observant à la dérobée chaque fille endimanchée qu’il croisait en chemin ». Bernard Clavel.

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