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Tout s’est bien passé d’Emmanuèle Bernheim

Couv Tout s'est bien passé - Emmanuèle BernheimTrois soirées. J’ai mis à peine trois soirées pour lire le dernier livre d’Emmanuèle Bernheim. Poignant, terrible, envahissant. Dans un rythme haletant, dénué de pathos et de mièvrerie, Emmanuèle Bernheim raconte sans effusion les derniers mois qu’elle a passés, avec sa sœur Pascale, auprès de leur père, le collectionneur, André Berhneim, ce dernier lui ayant demandé de « l’aider à en finir ». Un récit à l’état brut, sans fard, tendre et rêche à la fois, qui démarre à l’hôpital où son père a été admis suite à un accident vasculaire cérébral jusqu’au jour de sa mort, le 11 juin 2009. Un jour choisi, inscrit dans l’agenda, comme on note un rendez-vous chez le coiffeur. Lui avait rendez-vous avec la mort, en Suisse et « tout s’est bien passé ».

Extrait, page 50 : « – Je veux que tu m’aides à en finir.

Je me suis figée. Il a cru que je n’avais pas entendu, car il a répété, un peu plus fort Je veux que tu m’aides à en finir.

Jamais depuis son accident, il n’avait parlé aussi distinctement.

J’ai vu sa main quitter mon bras. Elle n’est pas retombée, elle est restée en suspens au-dessus du drap, les doigts légèrement écartés, comme celle d’un pianiste à la fin d’un morceau tandis que résonne le dernier accord.

Il m’observait, je sentais son regard, mais mes yeux étaient fixés sur cette main si pâle qui semblait flotter, où le cathéter et son pansement dessinaient une croix plus pâle encore.

La main est retombée. J’ai levé les yeux.

Mon père me souriait. Un vrai sourire, un sourire comme avant, les yeux brillants, les pattes d’oies plissées.

J’ai baissé la tête et j’ai vu mon sac, par terre, noir sur le linoléum gris. Je l’ai ramassé.

Les marches des trois étages ont défilé à toute allure. J’ai senti l’odeur de plâtre frais du hall, et les grandes portes automatiques de l’entrée se sont écartées devant moi. » Emmanuèle Bernheim.

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