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Traquer les ombres de John Harvey

Couverture Traquer les ombres de John HarveyStephen Bryan, jeune professeur de cinéma britannique à l’université, est retrouvé mort dans sa salle de bains, le crâne défoncé. Les enquêteurs, Will Grayson et Helen Walker, ayant découvert que Stephen Bryan était homosexuel s’oriente sur deux pistes : un cambriolage qui a mal tourné ou une dispute avec son amant qui n’aurait pas accepté la rupture imposée par Stephen Bryan. L’enquête piétine pendant un bon moment jusqu’à ce que Will et Helen rencontrent Lesley, la sœur de Stephen. Elle leur apprend que Stephen travaillait sur la biographie d’une actrice morte dans des conditions mystérieuses et que les tentatives de son frère pour prendre contact avec la famille de la défunte, richissime et puissante, n’ont pas abouti. Il aurait même reçu des menaces pour cesser son travail de recherches.

Sorti des presses en 2009, ce polar est le deuxième que je lis de John Harvey. De facture classique, je l’ai trouvé moins enlevé que De chair et de sang mettant un scène l’un de ses enquêteurs favoris, Franck Elder. L’intrigue est bien menée avec un rythme soutenu pendant le premier tiers du livre, puis John Harvey nous perd dans les méandres d’une autre enquête en lien possible avec le meurtre de Stephen Bryan, émoussant notre désir d’en savoir plus. Cependant, la fin est excellente et totalement inattendue.

J’ai beaucoup apprécié le portrait sociologique que John Harvey dresse de l’Angleterre d’aujourd’hui –l’histoire se déroule à Cambridge –, la violence qui se libère, pour un « oui », pour un « non », parce qu’il faut trouver un coupable à la misère ambiante, si possible choisie dans une minorité quelle qu’elle soit. S’il désigne clairement la classe ouvrière, John Harvey ne la condamne pas pour autant et dénonce aussi l’arrogance des plus aisés, le fossé qui se creuse entre les puissants et les sans droits.

Extrait, page 49 : « Le porte-à-porte n’avait jusqu’à présent donné que peu de résultats : les voisins de Stephen Bryan étaient des gens très discrets, du genre à passer leurs journées devant leur ordinateur ou plutôt, si l’on en jugeait par la moyenne d’âge du quartier, devant les documentaires de la BBC4 à la télévision. Personne n’avait rien noté de suspect avant, pendant ou après le meurtre de Bryan. Personne n’avait vu ce que Will recherchait : Stephen Bryan pénétrant dans la maison en compagnie d’un homme, Mc Kusick ou bien un autre type encore inconnu. Personne n’avait rien remarqué à part Bryan vivant seul chez lui.

Will et Helen avaient, séparément ou ensemble, commencé à interroger les anciens collègues de Bryan au département de communication de la faculté. Même s’ils ne le connaissaient pas très bien, Bryan était un professeur globalement apprécié et respecté qui préparait assidûment ses cours magistraux et semblait prendre ses responsabilités universitaires au sérieux. Ses étudiants aux dires de tous estimaient ses qualités personnelles et professionnelles.

– Tu n’as jamais cette impression que, quel que soit l’endroit où tu vas, tu n’arrives jamais vraiment nulle part ? demanda Will tandis qu’ils quittaient le campus en voiture.

Helen le contempla avec dédain, comme si la question ne méritait pas de réponse.

– Mc Kusick, dit Helen. C’est sur lui qu’on se concentre ?

Ne trouvant pas de place dans le parking du commissariat, ils se garèrent dans une rue à proximité.

– En attendant de trouver un suspect plus convaincant, oui, répondit Will. » John Harvey.

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