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Un certain sourire de Françoise Sagan

Deuxième roman de Françoise Sagan paru en 1956, soit deux ans après Bonjour tristesse, qui reste sans doute le roman le plus connu qu’elle ait écrit, Un certain sourire se lit facilement. Etudiante en droit à la Sorbonne, Dominique est une jeune femme blasée qui s’ennuie. Elle vit depuis un an une histoire d’amour avec Bertrand. Si ce dernier a l’air très épris, elle, l’est beaucoup moins mais se contente pourtant de cette relation. Un jour, Bertrand lui présente son oncle Luc de vingt ans son aîné. Marié à Françoise, Luc voyage beaucoup, pour son travail mais aussi pour satisfaire un besoin de liberté qui plaît tout de suite à Dominique. Cette dernière se trouve des points communs avec l’oncle de Bertrand qui considère la vie avec désinvolture, comme si rien n’avait d’importance. Peu à peu, un jeu s’établit entre ces deux êtres. Luc a besoin de séduire et de conquérir, Dominique, qui ne connaît pas grand-chose de la vie, est ébranlée par cet homme, qui vient bousculer les habitudes qu’elle a déjà prises avec Bertrand. Elle finira par accepter de le suivre une semaine au bord de la mer avec la ferme intention de vivre cette escapade, comme une expérience unique mais sans possible lendemain.

J’ai aimé ce livre pour l’ambiance si particulière que Françoise Sagan savait mettre en place dans ces romans : un fin mélange de nonchalance, de douceur de vivre et une furieuse envie d’en profiter. Pour avoir lu l’excellente biographie que Sophie Delassein a consacrée à Françoise Sagan intitulée Aimez-vous Sagan – en écho au livre de Sagan Aimez-vous BrahmsUn certain sourire ressemble, par certains aspects, à la vie que Françoise Sagan s’est dessinée. Une vie sans contrainte qu’aucun ennui ne devait gagner. Une vie dont chaque portion est à saisir pour s’en délecter en évitant le plus possible de souffrir.

Extrait, page 15 : « Je ne connaissais pas l’oncle voyageur et je n’avais pas envie de le connaître. Mais il y avait quelque chose en moi qui me destinait à suivre la nuque bien rasée d’un jeune homme, à me laisser toujours emmener, sans résistance avec ces petites pensées glaciales et glissantes comme des poissons. Et une certaine tendresse. Je descendais le boulevard avec Bertrand ; nos pas s’accordaient comme nos corps la nuit ; il me tenait la main ; nous étions minces, plaisants, comme des images. Tout au long de ce boulevard et sur la plate-forme de l’autobus qui nous emmenait retrouver l’oncle voyageur, j’aimais bien Bertrand. Les cahots me jetaient sur lui, il riait et m’entourait d’un bras protecteur. Je restais appuyée  sur sa veste, contre la courbe de son épaule, cette épaule d’homme si commode pour ma tête. Je respirais son parfum, je le reconnaissais bien, il m’émouvait. Bertrand était mon premier amant. C’était sur lui que j’avais connu le parfum de mon propre corps. C’est toujours sur le corps des autres qu’on découvre le sien, sa longueur, son odeur, d’abord avec méfiance, puis avec reconnaissance.

Bertrand me parlait de l’oncle voyageur qu’il semblait peu aimer. Il me disait sa comédie de voyages ; car Bertrand passait son temps à chercher les comédies chez les autres, à tel point qu’il vivait un peu dans la crainte de se jouer lui-même une comédie dont il ne serait pas conscient. Ce qui me paraissait comique. Ce qui le rendait furieux. » Françoise Sagan.

 

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