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Villa Amalia

Villa Amalia de Pascal Quignard

J’ai adoré ce livre. D’abord pour l’histoire, fascinante, fantasmagorique. Du jour au lendemain ou presque, une femme, Ann Hyden, qui a surpris son mari dans les bras d’une autre sur le perron d’une maison en région parisienne, décide de tout quitter : mari, maison, travail, pays. Méticuleusement, elle organise tout de la vente de ses biens à la clôture de ses comptes bancaires en passant par la destruction de son téléphone portable. Elle ne veut rien garder, rien emporter, sauf la musique qu’elle porte en elle. Commence une errance en Europe jusqu’à ce qu’elle découvre une maison dans la baie de Naples nichée dans la montagne où elle décide de s’installer. De cet endroit irréel, à l’abri du monde, Ann Hyden renaîtra à la vie jusqu’à l’impensable.

C’est un beau roman que nous offre Pascal Quignard. Un roman dont l’écriture est épurée, réduite à sa plus grande simplicité, à l’instar de ce que recherche son héroïne, éprise de liberté. Forte et fragile à la fois, déchirée, éparpillée, elle trouvera dans sa fuite, qui l’obligera à se confronter à ses démons, un nouveau désir de vivre et pour le lecteur, une espérance.

Extrait, page 60 : « Elle tenait de nouveau dans ses mains les photos de son père. C’était un petit homme mince, le nez aigu. Les cheveux gominés comme autrefois, coiffés en arrière, mais rebelles, un peu hirsutes. Elle redescendit à la cuisine. « Il faut tout jeter, se disait-elle. Quelque angoisse que j’éprouve il faut tout jeter. Je sais qu’il faut se séparer de tout. » Elle alluma un des feux et enflamma une à une les photos de son père. Elle les lâchait soudain quand la flamme léchait la chair. Elle en laissait tomber les cendres dans un des éviers métalliques. Elle brûla presque tout ce que contenait le tiroir du bureau à cylindres. Avec une petite éponge elle ramena les cendres dans sa main. Elle les jeta dans la poubelle. « C’est cela, c’est cela, se disait-elle, il faut tout jeter et brûler tout ce qui n’est pas jetable. » Elle sortit d’un placard de la cuisine le stock des sacs-poubelle en plastique. « Chaque jour j’en remplirai un. » Elle prit un morceau de scotch blanc mat sur lequel elle nota le nom qu’elle avait donné à l’agence, sortit dans le jardin, ouvrit la grille sur l’avenue, le fixa sur la boîte aux lettres. Elle monta au dernier étage et remplit un sac de cent litres de vêtements. Cela l’angoissait de plus en plus. Elle téléphona à Emmaüs. Elle téléphona au Secours catholique. Comme il était difficile de donner ! Ils acceptaient de recevoir. Ils refusaient de prendre. On sonna à la porte. » Pascal Quignard.

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