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Vous n’aurez pas ma haine d’Antoine Leiris

Vous n'aurez pas ma haine-Antoine-Leiris

Sa lettre publiée sur Facebook le 16 novembre dernier a fait le tour du monde. A sa grande surprise. C’est dans un état second qu’il l’a publiée. Les mots s’entrechoquaient depuis trop longtemps dans sa tête. Antoine Leiris est journaliste. Sa femme, Hélène Muyal-Leiris, est morte dans la nuit du 13 novembre lors des attentats du Bataclan. Vous n’aurez pas ma haine raconte les douze jours qu’Antoine Leiris a vécus avec son fils Melvil, âgé de 17 mois, immédiatement après les attentats. Un récit poignant, écrit avec une grande pudeur, sans colère aucune et d’une rare humanité. Plutôt que de dénoncer les coupables revendiqués qu’il n’évoque qu’une seule fois dans son livre, Antoine Leiris choisit la vie, celle qu’il tente heure après heure, jour après jour, de reconstruire avec son fils alors que l’amour de leur vie a définitivement disparu.

Extrait, page 95 : « 17h30 est une heure maudite. Celle qu’on voudrait effacer de nos journées. Une heure entre deux heures qui ne sert à rien. La promenade est terminée. Le dîner pas encore servi. Melvil est trop excité pour jouer. Je suis trop fatigué pour être attentionné. On s’ennuie. On se tourne autour, on s’évite, on se jauge. C’est à qui cèdera le premier. On aimerait sentir le temps s’accélérer.

18h30, enfin.

« C’est l’heure du bain ! »

Nos visages s’illuminent au moment où je l’annonce fièrement. Le bain est un moment que l’on aime partager. Melvil est un petit poisson dans un aquarium. Je suis le garçon qui vient coller son nez pour le regarder nager. Parfois, je glisse mes doigts dans l’eau pour jouer. Il vient vers la surface pour mordiller. Il frétille de plaisir. Les soucis de la journée passée coulent à pic au fond du bocal. Ils créent un limon de peurs, de pleurs et de contrariétés évacué une fois le bain terminé.

Seul, ce n’est plus la même chose. C’était un moment à trois. Un rituel. Je m’occupais de le maintenir, Hélène de le laver. Ensuite, on jouait, on chantait, on clapotait, on éclaboussait, on riait.

Aujourd’hui, on rit un peu moins. On fait comme si. Comme si tout ça avait encore une raison d’être sans elle. Il m’arrive de l’attendre. Me dire qu’elle va pousser la porte de la salle de bain. Nous rejoindre. Chanter. » Antoine Leiris.

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