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84, Charing Cross Road de Helene Hanff

Couverture 84 Charing Cross Road de Helen Hanff

14 East 95th Street, New York City, 5 octobre 1949. Dans son studio, Helene Hanff rédige une lettre à Marks & Co. en Angleterre. Cette librairie londonienne est spécialisée en « livres anciens et épuisés » à des prix défiants toute concurrence. C’est précisément ce qui intéresse Helene Hanff, écrivain sans le sou, personnalité atypique et passionnée par les vieilles éditions. C’est ainsi que démarre une relation épistolaire entre Frank Doel, employé de la librairie chargé de dénicher les perles rares, et Helene Hanff. Elle durera vingt ans. Vingt années au cours desquelles le formalisme des débuts se mue, au fil des lettres, en une amitié sincère.

Transcription authentique des lettres échangées de 1949 à 1969, 84, Charing Cross Road – l’adresse de la librairie à Londres -, est un texte savoureux au charme presque désuet. Il est intéressant de découvrir, à travers leurs lettres, la personnalité des protagonistes, l’influence, quand bien même ils parlent la même langue, de leur culture, de voir comment, peu à peu, la relation du libraire et de l’écrivain évolue. Tout comme il est intéressant de replacer ces échanges dans un contexte historique d’après-guerre en Europe et aux États-Unis. Plus tard, ce seront la société de consommation et l’évolution des mœurs dans ces deux pays qui seront évoqués dans leur courrier respectif, toujours sur fonds de commandes de livres. Et nous voilà à tourner les pages avec la fébrilité de celui ou celle qui attend des nouvelles, qui surveille l’arrivée du facteur. Nous voilà espérant qu’un jour ou l’autre, Frank Doel et Helene Hanff se rencontrent. Nous voilà à imaginer, comme Helene Hanff aime à le faire, les lecteurs qui nous ont précédés dans la lecture de ces échanges.

Par le biais de cette correspondance, nous devenons un intime, un intime spectateur de ces vies qui se déroulent des deux côtés de l’Atlantique. Un bien bel échange, paru en 1971, qui, après avoir connu un franc succès, continue à charmer passionnés de livres et de librairies.

Extrait, page 86, lettre du 12 décembre 1952 à « ses amis du 84, Charing Cross Road : L’Anthologie de l’amateur de livres est sortie de son emballage avec sa reliure de cuir frappée d’or et ses tranches dorées, c’est sans aucun doute le plus beau de mes livres, y compris l’édition originale de Newman. Elle a l’air trop neuve et trop parfaite pour avoir jamais été lue par qui que ce soit et pourtant elle l’a été : elle s’ouvre toujours d’elle-même aux meilleurs endroits et le fantôme de son précédent propriétaire attire mon attention sur des choses que je n’avais jamais lues. Comme par exemple la description faite par Tristram Shandy de la remarquable bibliothèque de son père, qui « contenait tous les livres et traités jamais écrits au sujet des grands nez » (Frank ! trouvez-moi dont un Tristram Shandy !).

Je trouve vraiment que notre échange de cadeaux de Noël est très inégal. Vous aurez fini de manger les vôtres en une semaine et avant le jour de l’an il n’en restera plus rien, tandis que moi j’aurai le mien jusqu’au jour de ma mort et je mourrai contente à la pensée que je le laisse derrière moi pour que quelqu’un d’autre l’aime. Je mettrai un peu partout des petits points au crayon pour attirer l’attention d’un amateur de livres qui n’est pas encore né sur les meilleurs passages.

Merci à tous. Bonne année. Helene. » Helene Hanff.

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