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Cet instant-là de Douglas Kennedy

Couveture Cet instant-là de Douglas KennedyLa cinquantaine, écrivain, Thomas Nesbitt se trouve dans une maison isolée au fin fond du Maine lorsqu’il reçoit à quelques jours d’intervalle, un courrier et un paquet. Le premier est une requête en divorce présentée par sa femme devant l’État du Massachusetts. Une nouvelle à laquelle il s’attendait mais la réalité est toujours plus cruelle lorsqu’elle se présente devant vous, sans s’annoncer. Le second a été réexpédié par l’assistante de son éditeur et vient en fait d’Allemagne. Le nom de l’expéditeur, Dussmann, catapulte immédiatement l’écrivain 25 ans plus tôt, en plein Berlin, celui de la guerre froide et à cet instant-là…

Il y a deux aspects dans ce livre : d’abord, une histoire d’amour, celle qui tient lieu de fil conducteur, entre le jeune Thomas Nesbitt, parti en Allemagne pour écrire un récit de voyage et surtout pour fuir une réalité qui le fait souffrir et Petra Dussmann, traductrice chez Radio Liberty, allemande de l’est passée à l’ouest. Il y a ensuite Berlin, la guerre froide, les conditions de vie en Allemagne de l’est, la Stasi. Si j’ai trouvé certains passages un peu trop fleur bleue, j’ai en revanche beaucoup apprécié les descriptions du Berlin des années 80 : la présence du mur qui a décidé, en une nuit d’édification, de la destinée de millions de personnes, le comportement de la Stasi et le lavage de cerveau auquel cette police politique s’est livrée pour que, seul, le communisme règne.

Douglas Kennedy explore, en outre, un autre thème tout aussi puissant : la question du choix et du sens de ceux que nous faisons. Pourquoi les faisons-nous ? À quel besoin ou à quelle blessure enfouis répondent-ils ? Et si, ce jour-là, à cet instant-là, j’avais fait un autre choix, serais-je devenu quelqu’un d’autre ? Aurais-je eu une autre vie ? Aurais-je été plus heureux ?

Un bon moment de lecture !

Extrait, page 71 et 72 : « Après l’atterrissage et le contrôle des frontières à Francfort, j’ai pris un autre vol, toujours plus vers l’Orient. Au bout d’une heure, je me suis penché au hublot. Il était là.

Le Mur.

Quand l’appareil a basculé sur le côté pour opérer son virage, cette construction longue et sinueuse comme un serpent est devenue plus visible. Même à cette altitude, elle paraissait imposante, austère et définitive. Avant que les nuages se dispersent pour révéler le Mur, nous avions passé trente minutes dans l’espace aérien de la République démocratique allemande et traversé des turbulences qui s’expliquaient, comme le pilote (américain) nous l’avait indiqué, par le fait que nous devions voler à dix mille mètres à peine au-dessus de ce pays appartenant à un autre univers. La passagère assise près de moi a hoché la tête.

– ils ne veulent pas que les vols commerciaux passent plus haut, par crainte qu’ils fassent de la surveillance, « au profit de l’ennemi ». L’ennemi étant tout ce qui n’est pas le pacte de Varsovie et la « fraternité » des camps de prisonniers tels que Cuba, l’Albanie, la Corée du Nord…

J’ai regardé ma voisine. Elle avait une cinquantaine d’années, était vêtue d’un tailleur strict. Le visage un peu empâté, elle tirait sur une cigarette HB dont le paquet était posé sur l’accoudoir entre nous. Ses yeux exprimaient une intelligence blasée, celle de quelqu’un qui a vu beaucoup trop de choses dans sa vie. » Douglas Kennedy.

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