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Chronique du règne de Nicolas 1er

A 86 jours de l’élection présidentielle, il est utile de lire ou de relire les chroniques de Patrick Rambaud, qui, à partir de 2007, s’est mis à noter les faits et gestes (souvent désordonnés) du « grand Monarque Nicolas 1er ». Une chronique par année de quinquennat… la cinquième vient de sortir et Patrick Rambaud, las de cet exercice, espère qu’il n’en commettra pas une sixième. Oserai-je dire « moi aussi ! ». Non parce que ces chroniques ne sont pas bonnes mais parce que le changement est parfois opportun voire salutaire. Deux constats après la lecture de trois des cinq chroniques rédigées par Patrick Rambaud. De toute la cinquième République, il apparaît qu’aucun gouvernant n’a sans doute autant gesticulé, pavoisé, taclé, promis, monté les Français les uns contre les autres que « Sa Seigneurie » actuelle pour reprendre les termes de Patrick Rambaud. Le deuxième constat est notre formidable capacité à oublier ce qui a été dit et fait au cours de ces cinq années. Ecrit avec une plume alerte, à la manière d’un pamphlet lorsque le royaume France existait encore, ces chroniques nous « rafraichissent la mémoire ». Patrick Rambaud nous régale et restitue avec justesse et drôlerie le « parler Nicolas » ainsi que frasques et bourdes, sinon incessantes, du moins fort nombreuses. Chroniques à charge contre « l’Auguste Potentat » et ses porte-flingues, Patrick Rambaud n’a cependant oublié personne, pas même « l’archiduchesse des Charentes ».

Extrait, page 40 : « Ainsi que Notre Larmoyant Despote, l’archiduchesse avait un sens aigu du mélodrame ; il fallait faire pleurer mais en public seulement, pour gagner des appuis en usant de l’émotion voire de la compassion, et que celle-ci fût jouée ne comptait pas pourvu qu’on y crût et qu’elle fût artistement interprétée. Afin d’être plus vrai, on pouvait porter sur soi un oignon épluché et s’en tamponner discrètement le coin de la paupière pour qu’y surgit une larme brillante à l’image. Dans un débat très regardé, on vit l’archiduchesse marcher vers un paralytique et le toucher en mimant l’amour de l’humanité souffrante ; beaucoup crurent que le malade incurable allait se lever soudain de sa chaise roulante, exécuter un pas de rumba en hurlant « Je marche » avec une mine extasiée.

L’archiduchesse des Charentes possédait aussi  l’humilité dans son registre. Elle répéta cinq fois « Ce n’est pas une question de personne ! » quand on l’interrogea sur son duel avec la bourgmestre de Lille, mais il ne s’agissait que de cela. Elle ne révélait sa nature que dans la coulisse. A l’occasion d’un Salon du livre où elle devait discourir sur son dernier ouvrage composé à plusieurs mains, elle exigea qu’on changeât l’heure de son intervention comme si elle était seule à décider.

– Votre Seigneuritude, lui dit-on, vous êtes prévue à seize heures quinze…

– Je veux dix-huit heures !

– Le programme est imprimé, Votre Beauté Intense…

– M’en moque !

– Il y a d’autres intervenants, et des notoires…

– Moi je suis la plus notoire des notoires ! Quand même ! j’ai été finaliste à l’élection impériale !

Elle resta à son stand sans saluer ses voisins, monta sur une chaise, ameuta ses admirateurs et leur signa des photos dont elle avait emporté plusieurs paquets. » Patrick Rambaud.

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