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Le contraire de la mort de Roberto Saviano

Couverture Le contraire de la mort de Roberto SavianoSorti en 2009, Le contraire de la mort poursuit, à travers deux récits qui prennent place dans le sud de l’Italie, le méticuleux travail de Roberto Saviano – commencé en 2006 avec Gomorra –  pour dénoncer la pieuvre qui gangrène son pays : la Camorra.

Dans la première nouvelle, on voit évoluer Maria, 17 ans. Amoureuse de Gaetano, elle n’aspire qu’à fonder une famille avec lui et prépare avec une joie enfantine son mariage. Mais dans le sud de l’Italie où le soleil assèche les terres et les corps, la pauvreté pousse les jeunes à s’enrôler dans l’armée dans l’espoir de revenir au pays avec quelque argent patiemment mis de côté. C’est ce que Gaetano décide de faire pour, un jour, combler Maria. Il partira donc pour l’Afghanistan et n’en reviendra jamais.

La deuxième nouvelle évoque deux jeunes hommes qui veulent vivre de leur métier, celui pour lequel on « trime », honnêtement, sans faire le jeu de la Camorra. Ils se feront assassiner sauvagement. Dans cette portion de territoire, acquise de longue date à la mafia, que se disputent différents clans, Roberto Saviano s’interroge sur la possibilité de résister : « Une résistance difficile à raconter, car elle ne se lève pas contre des troupes d’occupations, elle ne lutte contre aucune milice, elle n’a aucune dictature à renverser. Une résistance qui ne consiste pas à être contre, il suffit d’être en dehors pour tomber ».

Deux récits âpres et féroces, secs comme la terre des Pouilles, qui montrent le vrai visage de l’Italie du Sud où la seule échappatoire à la misère est l’armée ou la mafia.

Extrait, page 28 : « Maria semble avoir acquis une sagesse qui ne correspond pas à son âge réel, une sagesse qui lui est échue, comme engendrée par le temps qui passe inlassablement, quand les minutes défilent trop vite, se cognent les unes contre les autres et pèsent sur une vie désormais privée du souffle quelle devrait avoir. […] Maria tourmente ses mains moites. Nous décidons de marcher dans le village, personne ne nous regarde. Ou, plus exactement, tous sont habitués à voir Maria accompagnée par quelqu’un qui vient ajouter au réconfort familial. Elle a l’air d’une petite fille, surtout ses pieds. Serrés dans deux petites chaussures. […] Elle affiche déjà un masque de veuve, telle une version formidablement jeune de ses grand-mères, de sa mère. Parfois, vêtue ainsi, tout de noir, et à d’autres moments coiffée même d’un foulard noir sur la tête, elle fait presque sourire, on dirait qu’elle joue, à l’image de ces petites filles qui mettent les chaussures de leur mère, devant le miroir, et flottent dedans tandis que d’immenses colliers autour de leur petit cou tombent jusqu’au nombril. C’est à cela que fait songer Maria, à une caricature de ses grand-mères en deuil perpétuel. » Roberto Saviano.

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