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Le jour avant le bonheur

Le jour avant le bonheur d’Erri de Luca

A Naples, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, un jeune orphelin découvre la vie grâce à don Gaetano, le concierge de l’immeuble dans lequel il vit. L’occasion pour Erri de Luca d’évoquer sa ville natale, l’histoire tourmentée de l’Italie durant la guerre, les questionnements de l’enfance et, plus encore, ceux de l’adolescence avec son lot d’attentes, de désirs et d’incompréhension.

Si je connaissais Erri de Luca, auteur napolitain né en 1950, grand amateur d’alpinisme, je n’avais jamais eu l’occasion de lire ses livres. Cette première plongée dans l’univers « lucacien » m’a beaucoup plu et je me demande d’ailleurs à quel point cette fable initiatique n’est pas un récit autobiographique. Peu importe ! Pure fiction ou expériences vécues, l’écriture d’Erri de Luca évolue tout en finesse, aux frontières de la poésie et du conte parfois. J’ai aimé cette relation qui se noue au fil des années entre don Gaetano et ce jeune garçon, leurs parties de cartes, les repas qu’ils partagent et les rôles substitutifs qu’ils incarnent, le plus âgé étant comme un père, le plus jeune, le fils que le premier n’a pas eu. Un livre doux, drôle et poignant.

Extrait, page 50 : « Je ne savais rien de la nature, du corps. J’avais grandi bien maigre, affamé, mon seul défoulement était la partie de ballon le samedi après-midi et un entrainement au milieu de la semaine. La mer c’étaient les rochers de Santa Lucia, la nature c’était celle qui échouait dans mon épuisette.

Quelquefois, je voyais le golfe d’un tournant de la route sur la colline. Toute cette beauté, invisible à qui se trouvait dedans, ne semblait pas possible. Nous étions des poissons dans une épuisette, avec l’immensité de la mer autour. Je cherchais l’endroit où se trouvait notre ruelle, mais on ne la voyait pas, les rues étaient ensachées. Nous, nous vivions là ignorant comme la lumière et l’air variaient un mètre au-dessus de la ville. Du tournant sur la colline, la nature faisait un demi-cercle de terres avec le Vésuve au centre. La nature existait vue de loin. Don Gaetano m’emmena un dimanche sur le volcan.

« Tu dois le connaître, c’est le propriétaire, nous sommes ses locataires. Celui qui est né ici lui doit une visite. »

Nous sommes montés au milieu des genêts, puis sur la pierraille. Nous sommes arrivés au bord du cratère, un trou large comme un lac, où disparaissait la pluie fine du nuage avant de toucher terre. Le nuage de l’été nous trempait, mouillés de sueur et de sa pluie. Tout n’était que paix dans ce sac de brume légère, une paix tendue qui concentrait le sang. » Erri de Luca.

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