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L’inaperçu de Sylvie Germain

Couverture L'inaperçu de Sylvie Germain

Voilà Sabine. Jeune veuve et mère de quatre enfants. Dans un environnement bourgeois et volontiers moraliste, elle tente de garder le cap entre le drame qu’elle a vécu, les enfants qui grandissent tant bien que mal sans leur père, sa vie professionnelle et la belle-famille, dont le patriarche, tout auréolé de ses années de vie supplémentaires par rapport à son entourage, ne cesse d’émettre des jugements.

Pierre-Éphrem entre alors dans sa vie, dans leur vie à tous. Par hasard. Mais est-ce vraiment un hasard ? Et d’où vient cet homme taiseux, au regard profond qui semble tout comprendre sans qu’on ne s’épanche vraiment. Quelle est son histoire ? Son rôle ? Pierre-Éphrem n’est-il pas le grain de sable et de folie de cette mécanique par trop huilée, policée, qui va réveiller Sabine, expurger ce qui a été tu depuis trop longtemps ?

Sylvie Germain nous livre là un roman étincelant de retenue et de poésie. Un roman de l’entre-deux c’est-à-dire ce qu’il y a entre ce que l’on montre de nous-mêmes et ce qui est ancré au plus profond de soi, un roman sur l’inaperçu. Envoûtant.

Extrait, pages 44 et 45 : « Ils parlent à mi-voix, comme s’ils craignaient de perturber le calme de la ville assoupie dans la brume, ils n’échangent que des phrases courtes qui s’effrangent en points de suspension au bord de leurs lèvres. Les mots fondent dans leur bouche, frappés de nullité, ou du moins d’inadéquation à l’instant où ils se posent sur leur langue. Les mots se désagrègent, les pensées s’émiettent, le temps vacille dans une parenthèse d’intemporalité. Lui marche les mains enfoncées au fond de ses poches, elle, les mains repliées autour de la poignée en cuir de son sac qu’elle tient bizarrement devant elle, sous sa poitrine. L’un et l’autre éprouvent une sensation de flottement, d’égarement, ils ne savent pas comment s’acquitter de ce rôle sans texte, sans structure, sans sujet même, qu’ils sont censés tenir impromptu. Mais ce malaise n’est pas dénué de douceur, ce léger désarroi a un goût d’innocence.

Le ciel crayeux s’effrite à son tour, il se met à bruiner. Il ne leur reste bientôt plus qu’à entrer dans un café pour se protéger de l’humidité qui leur crible le visage de piqûres glacées. » Sylvie Germain.

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