Un matin, la fille de Christophe Honoré entre dans la chambre de son père et lui tend un mot griffonné au feutre noir qu’elle a trouvé punaisé sur la porte d’entrée : « Guerre et Paix : contrepèterie douteuse ». Cet acte lâche, intervenu en pleine « Manif pour tous », est l’occasion pour le réalisateur et scénariste, homosexuel assumé, de revenir sur sa vie, ses amours adolescentes, ses questionnements, ses choix et le jugement incessant d’une société très normée qui ne peut s’empêcher de voir, chez celles et ceux éprouvant une attirance pour les personnes du même sexe, qu’une misérable déviance, une maladie honteuse. Et quand le fait d’être gay peut, à l’extrême limite, être toléré, il n’est pas envisageable d’être gay et père ou mère à la fois.
Un récit tonique, mené parfois comme un polar, car l’auteur de l’acte lâche ne s’arrêtera pas là.
Extrait, page 11 : « – Guerre et Paix : contrepèterie douteuse. »
Ma fille a lu ça avec sérieux. Insistant sur le « teuse » de « douteuse ». Puis petit mouvement de tête vers moi. Haussement d’épaules. Elle a demandé ce qu’était une contrepèterie.
Mes poumons ont pris chaud brusquement. Je me suis penché vers la fenêtre. Les persiennes laissaient tomber une lumière bleue où j’ai retourné le billet dans tous les sens.
Pourquoi avoir punaisé ce billet sur ma porte ? Pourquoi ne pas le glisser au-dessous ? Pourquoi s’attacher à l’afficher ? Pourquoi ce désir de proclamer ce que l’on a tenu à me dire ? Mais tenait-on à me dire quelque chose ou plutôt à me signaler ? Cette blague était plus communiquée que partagée. A-t-on craint que je la dissimule et que je la taise, cette blague qu’on me faisait ? Était-ce si important de la montrer au grand jour qu’on ait fait le choix de la placarder ? » Christophe Honoré.