Juin 2015. Sophie Fontanel, journaliste de mode et auteure, se trouve sur la terrasse du café Sénéquier à Saint-Tropez. Une chance comme elle le souligne elle-même malgré le fait qu’elle vient de se faire congédier par le magazine féminin qui l’employait depuis quinze ans. Sur le port, une femme qu’elle ne connaît pas, surgit d’un bateau et entre chez Sénéquier. Svelte, la quarantaine ou un peu plus, elle a belle allure avec ses cheveux longs et entièrement blancs ! Tellement qu’elle capte tous les regards, celui des hommes comme celui des femmes et de Sophie Fontanel en particulier. Dans un mouvement qu’elle semble ne pas contrôler, cette dernière ose l’interpeller pour lui demander comment faire pour être comme elle… « Les cheveux, je veux dire » précise-t-elle. La réponse ne se fait guère attendre : « C’est très simple, il ne faut rien faire ». Et d’ajouter qu’il faut aussi « de la curiosité » et se dire que « tout ce qu’on raconte sur les cheveux blancs est faux ». Ce court échange sonne comme le début d’une aventure pour la journaliste qui, à 53 ans, se teint les cheveux en ayant conscience qu’en faisant cela, elle ne fait qu’obéir, de manière inconsciente, à un diktat social exclusivement réservé aux femmes. Car il est entendu que les cheveux blancs chez un homme sont synonymes d’expérience, de maturité et sont séduisants. Autant de qualificatifs qui ne sont pas employés pour une femme qui a des cheveux blancs. Celle-ci doit rester éternellement jeune et donc se teindre les cheveux, sous peine de n’être plus regardable, regardée, désirable, désirée. C’est donc à tout cela que Sophie Fontanel décide de tourner le dos pour vivre, mois après mois, une forme de renaissance qu’elle donnera à connaître au plus grand nombre en créant un compte Instagram sur lequel elle poste régulièrement des photos de sa chevelure en évolution.

Avec une certaine forme d’autodérision, la journaliste de mode dénonce ces codes et ces références qui enferment les femmes, mais aussi les hommes, dans un carcan et ce faisant, empêchent que n’émerge ce qui est authentique chez chacun d’entre nous. Un livre sans prétention, basé sur sa propre expérience, écrit à la première personne du singulier, au cours duquel j’ai ri de bon cœur.

Extrait, page 11 : « Il m’a fallu cinquante-trois ans, la perte d’un travail, des rides et des cheveux blancs pour commencer d’être enfin l’heureuse femme sur la photo, la fortunée qui se reconnaît dans quelque chose d’admirable, et non plus son parent pauvre. Cinquante-trois ans pour accepter un compliment, pour y voir l’intuition d’un clairvoyant. Cinquante-trois ans pour oser « me la raconter », ce qui signifie oser la poésie et le lyrisme sans lesquels aucun de nous ne peut embellir. Cinquante-trois ans pour découvrir le lien entre l’indulgence et le courage. Qu’être doux envers soi peut se révéler être un héroïsme. Cinquante-trois ans pour comprendre que la plainte est stérile, que rendre les autres responsables de nos doutes est une facilité, et qu’il y a mieux à faire : s’inventer enfin. Cinquante-trois pour découvrir qu’on ne plaît jamais à tout le monde. L’unanimité, c’est d’abord en soi qu’il faut la faire. C’est ballot tellement c’est simple. Les vérités les plus évidentes nous restent longtemps inaccessibles. Et enfin, à cinquante-trois ans, j’ai entrepris d’apparaître. » Sophie Fontanel.

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