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613 de Tobie Nathan

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Un clochard – Samuel Katzman – aimant bien taquiner la bouteille assiste à la conférence du psychiatre Abraham Abadie à l’université de Saint-Denis. Il finit par l’aborder pour lui demander un conseil parce qu’il est du genre à se fourrer dans toutes les histoires sordides, une sorte de porte-malheur ambulant à la barbe hirsute et puant la vinasse. Juif d’Égypte, 43 ans, Abraham Abadie a un problème dans la vie ou plutôt deux : sa mère en particulier – façon Marthe Villalonga accent compris ! – et les femmes en général. Il les aime trop pour n’en avoir qu’une seule et quoi qu’il en soit, elles ne sont jamais assez bien pour sa mère. L’histoire pourrait se poursuivre tranquillement entre séances de thérapie et discussions sans fin entre Abie – le surnom que la mère d’Abraham lui donne – et sa mère. Sauf que Katzman porte malheur (vous vous souvenez ?) ! S’en suit une course folle dans les rues de Paris, Abie étant soudainement poursuivi par des agents de la DST et du Mossad, Katzman ne lâchant pas Abie, lui-même poursuivi par un flic, Sebbag, également d’origine juive…

Voilà un polar truculent aux phrasés « San-Antonionesque » ou « Audiardesque » façon Tontons flingueurs, le tout sur fond de culture juive. Mais attention, on ne mélange pas les ashkénazes et les sépharades ! Oh que non ! Tobie Nathan, psychanalyste spécialisé en ethnopsychiatrie, lui-même juif, nous régale moins par l’intrigue que par sa vision de la judéité et son questionnement sur ce qui fait l’identité des peuples. Un roman drôle au style pétaradant, qui fleure bon les épices d’Orient et le souk !

Extrait, page 43 : « 19h30. La mère d’Abie habitait rue de la Roquette. Elle avait emménagé là il y a une dizaine d’années, juste quarante jours après la mort de son mari, pour être plus près de son « club ». Parce que la principale activité de cette femme, c’était le gin-rummy. Et elle gagnait ! Pas des millions, bien sûr, mais tout de même des mille et des cents. Pas tous les jours, non ! Mais certainement toutes les semaines… Ou à peu près… La plupart des gens traversent le monde, comme ça, alors qu’elle, c’étaient les mondes qui l’avaient traversée ; et sans la changer d’un iota. Elle avait connu les Musulmans, les Coptes, les Caraïtes, les Turcs, les Anglais, les Grecs, les Italiens, les Arméniens et elle les avait tous séduits. Maintenant, c’étaient les Français. Quelle différence ? Elle, en tout cas, elle n’en voyait aucune ! Elle aurait dû s’appeler Cléopâtre ! Née princesse à Alexandrie, elle comptait bien finir princesse à Paris. Il lui manquait juste son Antoine et Abie ne voulait manifestement pas tenir le rôle ! Elle produisait un bruit permanent, comme les vaches suisses avec leurs clochettes, une sorte d’identité sonore : l’incessant cliquetis de ses ors – ceux des sept bracelets qu’elle portait à chaque bras et ceux des pendeloques de ses boucles d’oreilles… une sorte de musique qui accompagnait sa présence comme un effluve. » Tobie Nathan.

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