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Au Bonheur des Dames

Au bonheur des dames d’Emile Zola

C’est avec un réel plaisir que j’ai relu Au Bonheur des Dames, onzième volume de la série des Rougon-Macquart d’Emile Zola. Une histoire dans l’Histoire : celle de Denise, jeune femme de vingt ans montant à Paris avec ses deux frères, après la mort de leur père, pour trouver un emploi. Elle le trouve Au Bonheur des Dames, LE grand magasin de l’époque, au grand dam de son oncle Baudu dont la boutique de tissus, placée juste en face du Bonheur des Dames, ne fait plus guère de chiffre d’affaires.

Ecrit après un travail minutieux de recherches qui s’inspirent directement de l’histoire d’Aristide Boucicaut, fondateur du magasin Au Bon marché, ce livre évoque la naissance du commerce moderne, celle des grands magasins où l’on trouve tout à des prix très compétitifs. Sorti en 1883, Au Bonheur des Dames n’a pas pris une ride. Tout y est : les petites mesquineries entre salariés, les relations employeur / employés, l’ambition malsaine, la volonté de « gagner plus », toujours plus et de faire acheter au quidam lambda tout et n’importe quoi, y compris ce dont il n’a pas besoin à coups de réductions de plus en plus importantes, laissant à terre le petit commerce spécialisé, incapable de lutter. Un livre à l’écriture ciselée étrangement visionnaire. A relire sans attendre.

Extrait, page 270 : « Cependant, tout le quartier causait de la grande voie qu’on allait ouvrir, du nouvel Opéra à la Bourse, sous le nom de rue du Dix-Décembre. Les jugements d’expropriation étaient rendus, deux bandes de démolisseurs attaquaient déjà la trouée, aux deux bouts, l’une abattant les vieux hôtels de la rue Louis-le-Grand, l’autre renversant les murs légers de l’ancien Vaudeville ; et l’on entendait les pioches qui se rapprochaient, la rue de Choiseul et la rue de la Michodière se passionnaient pour leurs maisons condamnées. Avant quinze jours, la trouée devait les éventrer d’une large entaille, pleine de vacarme et de soleil.

Mais ce qui remuait le quartier plus encore, c’étaient les travaux entrepris au Bonheur des Dames. On parlait d’agrandissements considérables, de magasins gigantesques  tenant les trois façades des rues de la Michodière, Neuve-Saint-Augustin et Monsigny. Mouret, disait-on, avait traité avec le baron Hartmann, président  du Crédit Immobilier, et il occuperait tout le pâté de maisons, sauf la façade future sur la rue du Dix-Décembre, où le baron voulait construire une concurrence au Grand-Hôtel. Partout, le Bonheur rachetait les baux, les boutiques fermaient, les locataires déménageaient ; et, dans les immeubles vides, une armée d’ouvriers commençait les aménagements nouveaux, sous des nuages de plâtre. Seule, au milieu de ce bouleversement, l’étroite masure du vieux Bourras restait immobile et intacte, obstinément accrochée entre les hautes murailles, couvertes de maçons. » Emile Zola.

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