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Caresse de rouge d’Eric Fottorino

Couverture Caresse de rouge-Eric FottorinoDécidément Eric Fottorino a de la ressource !

Beau et effroyable livre que ce Caresse de rouge, l’histoire d’un homme, Félix Maresco, devenu père, puis rapidement père célibataire, mais qui ne sait comment s’y prendre parce que lui-même n’a jamais eu de modèle sous les yeux. Page après page, le lecteur découvre son apprentissage, ses bonheurs, ses peurs, ses doutes et sa souffrance aussi puisque son petit Colin, trois ans, a été fauché par un chauffard. Ce sont donc ses souvenirs que Félix convoque, ravivés par la disparition, dans un incendie, d’une jeune femme et de son enfant, alors qu’il est venu faire un état des lieux en tant qu’assureur. Lui qui avait soigneusement enfoui sa douleur se retrouve face à elle, sous le regard cru de ses collaborateurs et de ses voisins. Totalement ravagé.

Comme toujours, l’écriture d’Eric Fottorino est d’une précision chirurgicale, d’un rythme haletant, à la manière d’un polar. Fottorino fouille, tranche, sonde, déloge les peurs et les angoisses d’une plume acérée. Et ce n’est pas la seule ressemblance avec le polar. La fin est aussi stupéfiante qu’atroce.

Extrait, page 85 : « C’est difficile de tuer un dimanche. Avant, j’adorais le dimanche. Le croissant du matin, les courses chez le poissonnier. Sur le visage de mon fils, je lisais tous les horizons joyeux que lui ouvrait ma commande rituelle : un filet de Colin. Qu’il pût se changer en poisson, qu’un saumon blanc de l’Atlantique portât son prénom, voilà qui le remplissait d’une intense fierté. Sitôt englouti son colin-citron, nous partions à l’assaut du square Réjane armés de ballons, de pelles, de moules en forme d’étoile pour sculpter le sable mouillé. S’il avait l’humeur maritime, nous filions au bassin du Luxembourg. Colin était trop petit pour guider seul un bateau miniature avec la gaule. Mais lorsqu’il se plantait devant le stand des locations avec son air intraitable, je ne résistais jamais longtemps. On s’installait sur les rebords de cet océan circulaire. Le dimanche s’écoulait à l’ombre des palmiers sortis de l’orangerie. Colin suivait des yeux son beau navire et, moi, je suivais Colin, un grand bâton à la main, anticipant le point où notre embarcation viendrait cogner la butée de pierre. Nous avions appris lui et moi à nous passer de Marie. » Eric Fottorino.

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