Jolie initiative que celle-ci. Dans un ouvrage de près de 300 pages sont réunis les poèmes de quelque soixante-cinq auteurs français de la seconde moitié du XXe siècle. Tous disparus, c’est pour les faire revivre et les donner à connaître qu’en partenariat avec le Printemps des poètes, les éditions Seghers ont conçu cette anthologie. Agrémenté de portraits au trait de certains de ces poètes et de notices biographiques, C’était hier et c’est demain (titre emprunté à Aragon), est un livre vivant et fort, qui emporte ses lecteurs attentifs et présents, vers des univers mystérieux, parfois drôles, souvent oniriques, toujours poignants pour les thèmes qu’ils abordent : la vie, la mort, l’amour !
Voici un passage de la préface que je trouve fort juste, il est signé Jean-Pierre Siméon et Bruno Doucey : « On affirme souvent que la meilleure anthologie est celle que l’on fait pour soi. Les deux cents pages de poèmes que compte ce recueil seront pour vous, amis lecteurs, l’occasion de découvertes insoupçonnées. Si l’intarissable fleuve de la poésie « façonne d’infinis parcours », comme l’écrit Andrée Chedid, il suffit souvent d’un texte, d’un seul texte, pour éprouver, comme frappé d’étonnement, cette profonde vérité humaine : la poésie ne sert à rien, mais elle est un mode d’expression dont chacun d’entre nous a besoin pour vivre ».
Et voici l’un des poèmes qui m’a frappée. Il est signé Michel Seuphor (1901-1999) et s’intitule Antifatal.
« Sois un pieu
enfoncé
là
contre la fatalité :
incapable de reculer d’un pouce.
Avance où tu dois
où ta musique intime t’appelle
quel que soit le péril.
Tu ne répondras pas
au jour de fête commun :
tes fêtes sont d’une autre nature.
Ne projette pas ne te venge pas
ne fomente pas
laisse le temps venir à toi
et réjouis le jour.
Nourri de ta seule liberté.
La vie est faite d’heures
que tu te soumettras
l’une après l’autre
sans entracte ni vacance. » Michel Seuphor.