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La petite Chartreuse de Pierre Péju

La petite Chartreuse de Pierre Péju

Étienne Vollard est libraire. Un jour de pluie au volant de sa camionnette emplie de livres, il renverse Éva. Éva, petite fille au corps frêle et au regard inquiet que sa mère, absente à elle-même, oublie trop souvent de venir chercher lorsque la journée d’école se termine. Choc de la tôle et de la chair innocente, insondables douleurs, désespoir de l’attente. Entre le coupable et la victime, se tisse une relation lunaire et poétique, dont l’écho résonne dans le massif de la Chartreuse, qui comblera un temps les manques de l’un et de l’autre.

Superbe livre lu avec fébrilité tant ce qui se noue entre les deux personnages principaux de La petite Chartreuse est fragile, éphémère, presque imperceptible et tellement présent, poignant. Derrière la classique couverture beige des éditions NRF / Gallimard se cache un bijou de littérature qui fait la part belle aux livres, aux librairies indépendantes et à la singularité des êtres. Une histoire triste et belle à la fois, magnifiquement écrite, dans laquelle les phrases et les mots ressemblent à des rivières de perles nacrées.

Extrait, page 69 : « Qui saura, dans un avenir pas très lointain, ce que représentaient, pour des gens comme moi, les libraires et les librairies ? Ce que signifiait, dans une ville, grande ou petite, la présence de ces lieux où l’on pouvait entrer dans l’espoir d’une révélation. Qui se souviendra de la façon paisible dont on pénétrait dans ces antres à l’odeur de papier et d’encre ? De cette façon de pencher la tête pour déchiffrer un titre nouveau, puis un autre, des noms d’auteurs familiers ou inconnus, afin de glaner des indices et des signes vivants sur les couvertures claires ? « Le seul vrai lecteur, c’est le lecteur pensif . » Qui se souviendra de cette façon de poser l’index au sommet de l’ouvrage pour le basculer en arrière, l’attirer à soi, l’ouvrir, le parcourir. Lire la quatrième de couverture. Debout, dans le bruit des pages tournées, découvrir les quelques mots qui paraissent s’adresser précisément à soi. L’inespéré noir sur blanc. Intime universel. Musique silencieuse. » Pierre Péju.

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