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La petite fille de ses rêves

La petite fille de ses rêves de Donna Leon

Si nous sommes toujours à Venise dans ce nouvel épisode des aventures du commissaire Brunetti, c’est au contact de la population rom que nous emmène Donna Leon. Sans misérabilisme, l’auteure américaine plonge le lecteur dans les difficiles conditions de vie des Roms et montre le sort réservé aux gens du voyage. A Venise ou ailleurs, ils ne sont pas les bienvenus.

Un matin pluvieux, le corps sans vie d’une petite fille est repéré dans les eaux du Grand Canal. Mises à part des égratignures aux mains, l’enfant ne semble pas avoir été battue et ses vêtements ne comportent pas de déchirures pouvant laisser penser qu’elle a été agressée. Aucune plainte n’a cependant été enregistrée à la questure concernant la disparition d’une petite fille.

Contrairement à ses précédents romans mettant en scène le commissaire Brunetti, le rythme de cette intrigue est très lent. Comme si Donna Leon nous invitait à nous mettre au diapason de son héros, touché au début du roman, par le décès de sa mère. C’est donc un Brunetti plus intimiste qu’elle nous donne à connaître, entre souvenirs d’enfance et leçons de vie, entre nostalgie et fureur de vivre et de transmettre, entre incompréhension face à la mort et questionnement sur le sens de la vie. Les personnages principaux n’ont pas réponse à tout, leurs enquêtes peuvent mener à des impasses et c’est aussi ce que j’aime dans les polars de Donna Leon, outre l’ambiance vénitienne.

Extrait, page 151 : « Brunetti aurait dû être amusé d’apprendre les relations qu’entretenait la signorina Elettra avec le clergé, mais le souvenir de la fillette, qu’on n’avait toujours pas identifiée, l’en empêchait. Les morts d’enfants équivalaient au vol de dizaines d’années, à la suppression de générations entières. Chaque fois qu’il apprenait le meurtre  d’un enfant, que ce soit lors d’un crime ou d’une guerre, d’une de ces guerres futiles qui les détruisaient par centaines ou par milliers, il comptait les années qui le séparaient de l’âge de soixante-dix ans et les ajoutaient au lot des années pillées. Son propre Etat avait ainsi volé des siècles ; d’autres avaient volé des millénaires, avaient piétiné les joies que ces enfants auraient pu connaître. Même s’ils avaient vécu une vie de misère et de souffrance, ils auraient eu une vie, non pas ce néant qui, pour Brunetti, se profilait derrière la mort.

Il retourna dans son bureau et, pour passer le temps en attendant les résultats de l’autopsie, relut plus attentivement les trois journaux qu’il avait pris avec lui. Quand il eut tourné la dernière page du troisième, tout ce qui lui restait était l’idée de ces soixante années de vie volées à la fillette que Vianello avait retirée des eaux du Grand Canal ». Donna Leon.

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