Dans Le caveau de famille, Katarina Mazetti prolonge la vie de Benny et Désirée, rencontrés dans Le mec de la tombe d’à côté. Convaincus que leur histoire d’amour est vouée à l’échec tant leur mode de vie et leurs goûts sont différents, Benny et Désirée décidaient de se séparer à la fin de ce premier épisode. Chacun repartait donc dans sa vie, son quotidien, un peu paumé, comme groggy par leur histoire tumultueuse mais tellement vivante. Jusqu’à ce que Désirée comprenne que ce qui lui tient le plus à cœur est d’avoir un enfant. Et c’est à Benny qu’elle s’adresse…
J’ai eu plaisir à retrouver ce couple improbable, lui, l’éleveur un peu bourru, qui ne lit rien d’autre que Le Pays, un magazine sur l’agriculture et l’élevage et elle, la bibliothécaire trentenaire, férocement urbaine, arborant son indépendance comme un trophée, passionnée de lecture et d’opéra. Le ressort humoristique s’est néanmoins épuisé au fil des pages et on assiste à une banale histoire de couple qui s’enferre dans son quotidien, lui à l’étable et dans les champs, elle dans les couches, les biberons, les repas et son travail de bibliothécaire. Ce qui était décalé et drôle dans Le mec de la tombe d’à côté, est devenu ordinaire et pesant. Voire caricatural. Comme au cinéma, il est difficile de proposer des suites aussi intenses et surprenantes la seconde fois que la première. Il est parfois préférable de laisser vivre ses personnages dans l’imaginaire de chaque lecteur…
Extrait, page 133 : « L’automne fut laborieux, avec un travail à temps plein en ville et un bébé de douze mois, et le gros ventre, plus le travail avec les vaches le week-end. Je savais que Benny avait besoin d’aide, il ne faisait aucun secret de tout le boulot qu’il avait à la ferme… Le problème, c’est qu’il ne voyait jamais tout ce que je faisais pour tenir la maison, ça ne comptait pas pour du vrai travail. Son credo, c’était : « Femme au foyer, bien-être assuré », à peu près. Il ne concevait pas qu’il faille du temps pour créer ce bien-être. J’y ai pensé un jour quand il s’est généreusement offert d’organiser notre vendredi soir cosy puisque je travaillais tard ce jour-là. Il irait chercher Arvid à la crèche, ferait des courses et préparerait quelque chose de bon. J’ai retenu mon souffle, c’était la première fois qu’une telle chose se produisait !
Je suis rentrée à la maison m’attendant à une belle surprise et dès le vestibule mon nez a cherché à détecter le fumet d’un petit plat mijoté. La porte de la cuisine était mystérieusement fermée, je me suis dit qu’il avait mis la table avec une nappe et des serviettes et des bougies, comme je le faisais parfois. Tout doucement je l’ai ouverte.
– Salut ! dit Benny.
Il était assis sur la banquette en train d’écluser une bière, directement à la bouteille, en lisant la partie deux du Pays. Sur la nappe cirée étaient posés deux assiettes et deux verres duralex. Sur un plat de service, un sac en plastique avec des crevettes décortiquées, décongelées et molles. C’était tout. Le néon du plafond répandait sa lumière bleutée sur l’ensemble.
– T’as vu, des crevettes pour la Crevette ! dit-il fièrement.
J’ai serré les dents, mais il m’en a coûté ! » Katarina Mazetti.