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Les lisières d’Olivier Adam

Couverture Les Lisières d'Olivier AdamSorti en septembre 2012, un temps pressenti pour être couronné d’un prix littéraire – finalement attribué à d’autres romans-, le dernier livre d’Olivier Adam a partagé la critique. Certains ont dit que Les Lisières constituait le livre le plus abouti qu’ait écrit l’auteur. D’autres y ont vu une simple et parfois ennuyeuse resucée de ses ouvrages précédents. A vous dire vrai, je suis moi-même partagée et pourtant, je suis une grande inconditionnelle de cet auteur.

D’abord l’histoire : écrivain à succès, Paul Steiner a quitté Paris et le milieu littéraire qu’il abhorre pour Saint-Malo il y a déjà plusieurs années, avec femme et enfants. Son couple est cependant en pleine crise, Sarah, sa femme, lui reprochant d’être là sans vraiment l’être, d’être présent tout en étant absent, parce qu’en permanence absorbé par ces livres ou par des sujets d’ordre sociétal. L’accident de sa mère qui, elle, n’a pas quitté la banlieue parisienne dans laquelle Paul Steiner a grandi l’oblige à reprendre contact avec son passé, anciens camarades de classe comme lieux évocateurs de différents souvenirs. Dans cet univers gris où la vie ne semble rythmée que par les horaires d’ouverture du centre commercial, où l’horizon se limite au périphérique tout proche, Paul Steiner, éprouve un grand mal-être, celui-là même qu’il a fui. Il n’aura alors d’autres solutions que de se confronter à son enfance pour comprendre et peut-être guérir.

Comme toujours, Olivier Adam excelle à mettre le doigt sur ce qui dérange, nos petites lâchetés quotidiennes mais aussi les rêves que nous avions et que, pourtant, malgré tout ce que nous avons pu dire à haute et intelligible voix, nous n’avons jamais su mettre en œuvre, trouvant toujours l’explication qui va bien pour justifier les vies plus ou moins statiques que nous menons et qui se perd dans le gris des grandes villes qui broient leurs habitants. C’est un peu la marque de fabrique d’Olivier Adam tout comme cette façon qu’il a de situer ses histoires dans l’ici et maintenant, avec pour toile de fond, cette fois, Fukushima, la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et l’élection présidentielle française à venir avec la montée de celle qu’il appelle « La Blonde » ou « la fille du Borgne ». Oui Olivier Adam est brillant lorsque, mêlant habilement une partie de sa propre histoire à celle de ses personnages, il dépeint notre société, de plus en plus inégalitaire, avide de paraître, tournant sur elle-même comme un derviche, anesthésiée à coup de slogans publicitaires dénués de sens et d’idéaux. Pourtant, sans que je parvienne à expliquer pourquoi, j’ai eu le sentiment d’avoir déjà lu cette histoire – ce qui n’est évidemment pas le cas. Comme si Olivier Adam, tellement obnubilé par ces thèmes fétiches, se mettait lui-même à tourner en rond et emmenait son lecteur sur une voie sans issue. Mais peut-être était-ce là son objectif : nous emmener à la lisière des choses, sans possibilité de retour, et nous faire partager son mal-être ? Dans ce cas, c’est réussi !

Extrait, page 163 : « Quand je suis rentré, l’assiette était toujours dans le micro-ondes et mon père regardait les infos à la télé. Fukushima, la Libye, la Côte d’Ivoire, la Grèce. Partout l’apocalypse guettait. Et en France pas moins qu’ailleurs. La crise qui ne cessait de s’étendre, la Blonde, les affaires qui se multipliaient, l’obsession musulmane, l’Identité et la Nation, de vieux relents de Travail Famille Patrie. Quelque chose pourrissait peu à peu dans ce pays. Une lente décomposition. A côté de quoi les débuts du Président, la vulgarité de ses manières, l’épaisseur réactionnaire de ce qui lui tenait lieu de pensée, l’impunité avec laquelle il menait les affaires du pays au seul bénéfice des puissants, n’apparaissaient plus que comme des points de détail, une matière à débats, à interprétations. A présent tout n’était plus que squames, lambeaux. Tout le monde semblait à bout de nerfs. La dépression étendait son empire. J’ai repensé à Sarah, à ses haussements d’épaules, à sa manie d’éteindre la radio, de tenir toutes ces choses à distance, comme dans la chanson de Djian et Eicher qu’elle fredonnait souvent. Elle non plus, plus rien ne la surprenait sur la nature humaine. Elle aussi aurait voulu, enfin, si je le permettais, déjeuner en paix. » Olivier Adam.

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